Habillée d'un simple jean et d'une chemise, le temps se voulait plutôt chaud et ensoleillé. Ce qui défaisait les clichés sur le Nord de la France. Et malgré cela, il n'y avait pas foule dans les rues. Habituellement, il fallait marcher sur la chaussée tellement que les trottoirs étaient pleins. C'était agréable de pouvoir lever la tête vers le ciel sans pour autant percuter quelqu'un et s'entendre balancer alors toutes les injures possibles, ou alors renverser complètement ce que vous aviez dans les mains. C'est typique, ça arrive toujours aux personnes pressées, qui sont en retard et qui n'ont pas besoin de ça.

La jeune femme n'était comment dire jamais pressée, à part pour ses correspondance dans le métro, même si la plupart du temps, elle préférait le vélo. Plus facile comme moyen de locomotion. Mais cette fois, elle poussé la grille de fer forgé à pieds, et descendit les innombrables rues parisiennes, son cellulaire et un carnet de notes dans la même main. Elle les fourra alors dans son sac à main ainsi que ses clés remplit d'accessoires venant des quatre coins du monde, ou tout simplement des cadeaux, et entreprit de continuer sa route. Lora avait toujours eu cette attitude pensive lorsqu'elle levait, baissait, penchait la tête vers les bâtiments afin de les examiner convenablement, faire même demi-tour pour s'assurer de ce qu'elle avait vu, parfois sous le regard interrogateur des habitants ou des passants. Par contre, elle n'avait jamais d'appareil photo avec elle, pour la bonne raison qu'elle ne jamais même pas se servir des jetables. Une jour il faudrait qu'elle apprenne, car au siècle au nous vivons, pouvoir immortaliser les moments -voire en 3d- était devenu indispensable. Mais elle avait déjà mis plus de trois mois, à savoir se servir de son téléphone, alors un appareil prendrait plus longtemps. Elle ne dessinait jamais non plus, elle se contentait lorsqu'elle était seule, d'esquisser des monuments mais comme on lui appris à l'école, gommant sans arrêt pour être dans les proportions exactes. Ils appellaient ça la perfection. Et il fallait être perfectionniste pour réussir. Toujours avec un cadence plutôt rapide, la belle blonde s'avança dans le quatrième arrondissement, où il y avait déjà plus de monde. Peut-être avait-elle pris les bonnes ruelles ? Enfin, les mains dans les poches de son jean, les cheveux vaguant sur ses épaules, elle se posta sur la place, toujours avec les yeux émerveillés et commença à reprendre son chemin dans une petite rue.

Elle arriva alors sur la petite place bien connue des parisiens. Lora avait très bien joué son coup, il est midi passé, et elle avait faim. Une table sur terrasse se présenta alors à elle au restaurant l'Ambroiserie, où elle aimait particulièrement mangé ses derniers mois, pour sa cuisine mais surtout pour l'ambiance qui y régnait. Elle s'installa alors, posant son sac sur un crochet prévu et attendit que le serveur daigne bien d'arriver malgré le monde déjà présents au restaurant. "Je prendrais un verre blanc s'il vous plait." Aussitôt qu'il eut noté et fut parti, la jeune femme sortit son petit calepin et un crayon à mine grasse qui trainait dedans. Certes elle s'y prenait toujours à l'avance pour ses devoirs car elle faisait deux filières à la fois, mais il faut dire que si un investisseur -comme souvent- venait à l'école pour voir les talents, il fallait se tenir prêt aussi. Elle releva alors la tête après avoir parcouru quelques pages pour regarder les gens autour, lorsque son regard se posa sur une jeune femme blonde elle aussi, dos à elle. Ni une, ni deux, sa mémoire ne défaillit pas. Sans pour autant se bouger, ni crier -car elle ne se tenait pas loin-, la jeune fille lui lança. "Alors Zena, on prend du bon temps."

Zena avait la tête dans les nuages, complètement prise dans ses pensées. Pourquoi lui avait-il demandé de le rejoindre dans ce restaurant, de quoi voulait-il lui parler? La dernière fois, elle s'en souvenait encore, c'était sur les Champs-Elysées qu'il l'avait invité à dîner, un endroit charmant, où on leur avait gardé la meilleure table, à l'étage, avec vue sur le boulevard. Ce soir-là, il avait commandé du champagne, et lui avait annoncé sa promotion, lui proposant de venir la seconde soliste du cabaret. Un choc pour la demoiselle, qui aurait bien serrer son patron dans ses bras, mais en vu de sa position, il était évident qu'il valait mieux éviter ce genre de comportement. Mais voilà, depuis ce jour-là, un mois auparavant, elle était devenue l'une de ses chouchoutes, et avait la chance de se trouver seule sur scène, durant deux danses, tous les soirs au Moulin Rouge. Mais cette fois, elle était inquiète. Après tout, il ne pouvait pas lui offrir une nouvelle promotion, tout simplement parce qu'elle était déjà en haut de la pyramide. Cette fois, peut-être allait-il simplement la faire descendre un peu de celle-ci. Elle ne se souvenait pas avoir fais une erreur. Retrouvant alors sa confiance naturelle, elle secoua la tête, se trouvant idiote de s'inquiéter pour ça. Perdue dans ses pensées, assise dans le métro qui, pour une fois, n'était pas si bondé pour une heure de midi, et les écouteurs sur les oreilles diffusant l'album de Puggy, groupe qu'elle affectionnait beaucoup, elle ne se rendit pas compte qu'elle avait passé sa station et était arrivée deux arrêts plus loin. Elle attrapa rapidement son sac et descendit, se dépêcha de monter les escaliers qui la séparait de la lumière du jour et arrivée dehors, elle sortit son téléphone pour vérifier l'heure. Elle remarqua alors qu'elle avait un appel en absence, et un message sur son répondeur. Étant en avance d'une demi-heure, elle reprit une allure de marche normale et écouta son répondeur.

Puis elle s'arrêta. L'odeur d'une boulangerie à côté lui aurait presque donné faim, mais c'est en réalité le message laissé par son patron qui la stoppa. Il était désolé, mais il était coincé en réunion et ne pouvait pas venir, leur repas allait devoir être reporté. C'était bien une chose qui l'agaçait, lorsqu'une personne annulait à la dernière minute, surtout qu'elle avait pris soin de bien se préparer, de vêtir une jolie robe bleue, et surtout, d'être à l'heure. Mais heureusement, la suite de son message la calma légèrement, puisqu'il lui disait de se rendre tout de même au restaurant, l'addition était pour lui. Bon, c'était toujours ça. Elle savait très bien qu'il était comme ça, très occupé, mais elle ne pouvait pas s'y habituer. Pour la peine, elle allait se faire plaisir et commander tout ce qu'elle souhaitait.

Arrivée à l'Ambroiserie, la jeune fille s'installa à une table, seule, et le serveur arriva, une bouteille de vin blanc et un verre à la main. « De la part de Monsieur, pour s'excuser. » Zena sourit, son patron avait pensé à tout, et elle appréciait cette petite attention. Elle porta son verre à la bouche, lorsqu'elle entendit une voix féminine, venant de derrière, lui parler. Une voix qu'elle ne pouvait pas oublier, tellement elle l'avait entendu.

« En effet, même s'il semblerait que ' bon temps ' soit de courte durée ... » La jeune fille se retourna, face à celle qui fut autrefois sa meilleure amie, et lui adressa un sourire, du coin de la bouche, qui était tout sauf sincère. « Tu devrais faire attention à ce que tu bois, ça monte vite à la tête, et on ne sait pas ce qui pourrait se passer. »