La boîte de chocolats était juste devant moi. Je n’avais qu’à tendre la main. Ils étaient drôlement jolis ces chocolats en plus. Certains étaient comme des escargots enrobés de chocolat, d’autres avaient des noisettes sur le sommet. Mais celui qui me donnait vraiment envie, c’était celui qui était rose sur le dessus. Maman a toujours dit qu’il ne fallait pas manger quand on n’a pas faim. Et moi, je sortais du déjeuner, je n’avais pas faim. Mais ils étaient si beaux, dans leur boîte dorée. Juste à tendre la main. « Taylor ? » Zut. La voix stridente de maman résonnait dans toute la maison. Pas de chocolat aujourd’hui. « J’suis lààààà ! » « Pas besoin de crier ma puce, je suis juste à côté de toi. » Je sursautai et poussai un cri. Elle était entrée sans bruit, et elle se tenait juste derrière moi. « J’espère que tu ne comptais pas manger un chocolat ma puce. Tu ne veux quand même pas devenir gonflée comme un ballon. » « Non maman, je veux pas être un ballon. » « Bien. Parce que personne n’aime les ballons Taylor, et si tu veux un beau mari un jour, il faut rester mince. » « Oui maman. » Maman ma tapota la tête avec un petit sourire. Elle souriait que quand on parlait de beau mari. Moi j’avais plutôt envie de me marier avec papa. Les autres garçons je les aimais pas, ils étaient bêtes et moches. Mais ça, il ne fallait surtout pas le dire à maman. Il fallait pas non plus dire que j’avais repris des pâtes au déjeuner. En fait, y avait pas mal de choses qu’il fallait pas dire à maman. Sinon, elle était triste.

[...]

« M’an ? » J’entrais dans le salon d’un pas trainant, un verre d’eau dans la main. « Taylor, pourrais-tu s’il te plait faire l’effort de prononcer correctement les mots ? Et puis, qu’est-ce que c’est que cette tenue ? » Ma chère mère. Si elle savait combien j’aurais voulu être ailleurs à cet instant. Je tirais sur mon immense pull gris, consciente que rien ne l’énervait plus que les vêtements déformés. « Maman, c’est juste pour trainer à la maison. » Elle me jeta un coup d’œil désapprobateur, comme si c’était un péché de prévoir une tenue pour cette occupation. « Ma pauvre fille. » Elle l’avait l’art d’être dramatique, tout le temps. Ma mère pensait être une martyre, et croyait encaisser toute la peine du monde parce que sa fille ne faisait pas assez d’efforts pour se trouver un mari, alors qu’elle entrait dans l’adolescence. J’étais sans arrêt jugée, passée au peigne fin. Il fallait être intelligente, mais pas trop. Belle, toujours. Soignée sans en avoir l’air. Toujours prête à recevoir du monde, sans pour autant sembler attendre quiconque. Je me demandais si c’était aussi fatiguant pour toutes les femmes, d’être la fille de leur mère. Je me laissais tomber sur le canapé en haussant les épaules. « Où est papa ? » « Il est allé à un match de foot. » J’hochais la tête, comprenant à son regard qu’il était hors de question d’évoquer l’idée qu’il ait pu m’y emmener. De toute façon, prétextant que je n’étais pas un homme, il aurait sans doute refusé. « Bon, et ben je vais aller me coucher moi. Bonne nuit maman. » Elle hocha la tête, sans décrocher son regard du magazine qu’elle lisait, rempli de filles plus maigres les unes que les autres. Pas étonnant qu’elle trouve que je ressemble à un ballon à côté d’elles.

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